Mots-coeur-Moqueurs

Les mots sont des paysages...

Les mots sont des fleures éparses dans la ramure d’un grand arbre, une petite brise agite doucement les frondaisons, et les mots se mettent à chanter une fugue, accompagnés du bruissement vaporeux des feuilles et de leur mirage permanent dans les fragrances du soleil, douce plainte mélodieuse. Ou bien une tempête shakespearienne les fait hurler entre les branches, comme des chouettes en colère jouant de leurs olifants.

Peut-être sont ils ces rangées d’hirondelles, sur les fils télégraphiques, comme des notes de musique, prêtes à s’élancer pour une improbable migration, qui ira enchanter les yeux et les oreilles du monde?

Mais non, les mots sont des coquillages, sur la grève au jusant. En fonction des flux et des reflux, du sac ou du ressac, ils nous dessinent à chaque fois des poèmes différents, qu’ils nous susurrent tout doucement quand on les approche de l’oreille.

Un champ de blé murs qui ondule sous les caresses du vent?

Des feuilles de sensitives, herbes Mam’zel, mots qui se ferment sitôt qu’on les effleure? Ô pudeur!

Un chant d’alouette comme un commérage qui n’en finit pas?

Ou bien ces vols de pigeons dans le ciel de Damas au soleil couchant. Ils nous dessinent des arabesques, tournoient en volutes gracieuses, tantôt battant des ailes frénétiquement pour contrer le vent, tantôt se laissant porter par lui, planant en de grands loopings flamboyants, éclaires blancs de soleil, ou ombres chinoises dansantes.

Ces immenses champs d’oliviers de Méditerranée, verts olive sur terres ocres, aux quels les cigales prêtent leurs voix, quand elles craquettent leurs stridulences, mots ivres de soleil rêvant à des hamacs amoureux.

Allons! Les mots sont des perles qu’on enfile, toutes plus belles les unes que les autres, sauf certaines un peu grossières que l’on donne aux cochons.

Les mots sont des paysages, changeant avec les nuages, qui enchantent les sensibilités du coeur, qui rient qui pleurent, papillons de toutes les couleurs, poissons exotiques, hiératiques, quelques petits cumulus qui se disputent le ciel avec les étoiles.